’Jamais sans ma feuille’, c’est l’incantation de la plupart des cadres, fonctionnaires, employés, administratifs, dans les PME-PMI mais également celle de nos scientifiques et dirigeants, au sein des plus grandes organisations, banques, compagnies d’assurances et au plus haut niveau de décision.
Cette feuille Excel, elle est partout: dans nos tiroirs numériques, elle se cache dans les coins les plus sombres de nos disques durs depuis que nos petites mains ont commencé à taper sur un clavier. Impossible de ne pas tomber sur elle, à l’initiative de tous les projets, du budget familial au reporting annuel de la Banque de France.
Mais ce beau classeur, cette belle feuille quadrillée, est-elle vraiment notre amie? Jusqu’où peut-on lui faire confiance et quelles sont réellement ses limites?
Certains la disent indispensable voire, irremplaçable.
L’amie du financier: C’est pas cher
Le directeur d’une agence d’une des plus grandes banques françaises me confiait récemment que leurs processus de virements internationaux pour les 250 filiales passaient encore par une simple feuille Excel, réalisée par un prestataire extérieur, appelons-la «Madame DarkWeb*». (*Les noms véritables ont été modifiés).
La plupart des zones de cette feuille de formulaire sont sans contrôle de contenu. On peut donc y saisir tout et n’importe quoi, voire un IBAN à 2 ou 50 chiffres sans problème …
Ce même directeur d’agence a décliné mon offre de réaliser une WebApp sécurisée qui centralise ce formulaire en me disant clairement que la petite feuille Excel était la solution la plus économique pour la banque. La direction ne souhaitait pas investir, même si la cohérence des données est un peu aléatoire.
Si le milieu financier s’est tout de suite approprié la feuille de calcul, ce n’est pas pour rien… enfin, si, presque pour rien car elle ne coûte vraiment pas cher.
L’amie du noware : c’est facile, pratique … et pourtant
Noware: Pour «Not Aware» (personne qui n’est pas au courant).
Un expert comptable m’a raconté le cas d’un utilisateur calculant, de manière appliquée, tous les totaux en ligne/colonne à la main avant de les saisir dans sa feuille pour le reporting annuel. Suspicieux, Il n’était pas convaincu de l’utilité d’un tel outil.
«C’est très fastidieux vous savez ! surtout lorsqu’il y a beaucoup de lignes et de colonnes …».
Bon, c’est vrai, cet exemple est extrême. La plupart des utilisateurs s’en sortent très bien et nombre de petites entreprises fonctionnent tout au long de l’année avec des feuilles Excel. En se développant, elles migrent sur des bases de données.
L’amie du décideur: On va tout arrêter!
Pour illustrer l’impact que peut avoir la conception de ces feuilles de calcul, on cite le cas des travaux des deux économistes de Harvard, Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff sur la crise financière. L’article publié en 2010, «Growth in a Time of Debt», basé sur des statistiques sur la période 1946-2009, met en avant une croissance bien plus basse dans les pays dont la dette publique dépasse 90% du PIB (comme la France depuis 2012).
Cet essai, très influent fut la source de politique d’austérité dans certains pays.
Pourtant…. certains auteurs scientifiques comme Mike Konczal, un chercheur du Roosevelt Institute, ont démontré que les calculs des deux économistes sont en partie faux et abaissent de 2,2 % point la réalité plutôt aux alentours de 0,1%.
L’amie du hackeur: Clique là-dessus et tu verras Montmartre!
J’ai la chance de connaître un «gentil hackeur», Cédric *WhiteWeb (* Les noms véritables ont été modifiés).
Son job: pénétrer dans les banques et les compagnies d’assurances pour tester la vulnérabilité du système et effectuer des mouvements de fonds.
Selon lui, le moyen de s’introduire dans le réseau est d’une simplicité déconcertante: un bon mail, bien de chez nous avec en pièce jointe un joli fichier Excel contenant un trojan, le tout, avec un message très vague du genre:
Merci de nous faire part de vos commentaires sur le dernier rapport annuel bla bla…
Les banques et compagnies d’assurances ne peuvent, pour des raisons historiques, bloquer les macros sur les postes des utilisateurs en raison d’un grand nombre de documents préexistants qui utilisent ces scripts.
Une fois installé dans la place, le hackeur (méchant celui-là) peut commencer son vrai travail.
L’amie du shadow IT: Elle est géniale, la macro de Mr Martin!
Comment une cohorte d’ingénieurs expérimentés peuvent-ils oublier dans leurs calculs la taille réelle des quais SNCF. Conséquence? 50 millions d’euros pour raboter les 1300 quais trop étroits pour le TER.
Un oubli? un problème de soustraction sur une feuille de calcul?
Un constructeur automobile de renom a-t-il lui aussi oublié de prendre en compte la grande vitesse de transport des trains pour l’étanchéité des coffres de ses véhicules en raison d’une trop rapide analyse sur un classeur Excel?
On peut définir le shadow IT comme le terme désignant les systèmes d’information et de communication réalisés et mis en oeuvre sans l’approbation de la direction IT.
Une étude de 2012 montre que l’exemple le plus fréquent de Shadow IT sont les classeurs Excel comprenant des macros.
Le phénomène BYOD (Bring Your Own Device) accentue le développement de cet univers parallèle et constitue la bête noire des services informatiques.
Pourtant, impossible de se défaire de cette jolie matrice simple et rassurante qui nous convient si bien. Seules les bases de données peuvent nous permettre de gagner une petite dimension supplémentaire car les données sont liées entre elles sur des clefs uniques.
Tous ces problèmes en effet devraient faire partie du passé. Ceux qui le souhaitent peuvent aujourd’hui s’affranchir des barrières économiques pour s’orienter vers des projets réalistes et propres. Entre un embrouillamini de feuilles de calcul et un gros ERP pour milliardaires, il existe d’autres alternatives : les applications Web ou WebApps apportent de nombreuses solutions performantes, clefs en main et/ou sur-mesure, à la portée de la PME-PMI pour des budgets tout à fait abordables.
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